La Lucidité

Des mots pour conter, des mots pour dire et se dire, des mots pour se taire et entendre…

Les mots sont des portes et des fenêtres, pour clarifier la pensée, pour communiquer, pour permettre aux enfants de grandir… mais ils peuvent aussi devenir des portes fermées, blindées, des fenêtres murées.

La vie est mouvement.

La vie est mouvement sur l’ensemble de la terre, dans l’ensemble du cosmos, de « l’infiniment petit » à  « l’infiniment grand », et ce, dans ce que nous connaissons ou croyons connaître, et dans tout ce dont nous n’avons même pas idée.

La lucidité, la clarté d’esprit, la clairvoyance ne pourraient-elles pas résulter de notre capacité d’accueil d’une conscience plus vaste qu’une affirmation, une idéologie, une illusion, un fantasme ?

La lucidité pourrait-elle se définir comme : oser voir, oser se remettre en question, oser penser, oser s’arrêter de penser et accueillir, oser apprendre, chercher, oser se tromper, oser recommencer, oser aller chercher des informations dont nous ne disposons pas auprès de ceux qui ont une connaissance livresque ou de terrain ?

Mon père répétait souvent une phrase qu’enfant je ne comprenais pas fondamentalement, mais qui est restée trottiner dans un coin de ma tête et qui participe très probablement à ce texte :

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément. » Nicolas Boilleau (1631-1711)

Pour bien concevoir les choses, n’est-il pas important d’en pénétrer les détails mais aussi de pouvoir les percevoir dans une vue d’ensemble ? Et pour aller plus loin même peut-être, d’en entendre la résonnance de Vie ?

Chaque mot n’est-il pas une histoire de vie, ne raconte-t-il pas un passé, un présent, des espoirs ou des peurs ?

La lucidité n’est-elle pas comme une étincelle de conscience, un éveil à la lumière, le « euréka » qui réjouit le cœur, ce petit saut quantique qui réunit les espaces et les temps en un moment, qui permet parfois d’entreprendre un nouveau chemin, un chemin de résilience où malgré nos enfer-me-ments appris ou choisis pour nous protéger, malgré les traumatismes parfois très violents de la Vie, nous arrivons à nous ouvrir, à choisir progressivement, en conscience, une nouvelle maturité, peut-être ?

Les mots, s’ils ouvrent les portent de la relation, de la communication, peuvent aussi les fermer selon la compréhension, la sensibilité, le traumatisme qui y est peut-être lié ou même, selon la mauvaise foi, la perversité des intentions posées.

Ne nous voilons pas la face : les mots peuvent être lumineux ou porteurs de lourdeurs, de morbidités.

Et c’est peut-être bien là un des pièges ; les mots peuvent masquer, tromper, tronquer la réalité.

La lucidité n’est-elle pas aussi la compréhension de notre responsabilité dans l’utilisation des mots qui étayent nos compréhensions ?

Une relation, « Qu’est-ce que c’est que ça aujourd’hui ? », « Qu’entend-on par-là de nos jours ?».

Vaste sujet, qui pourrait valoir un livre ou même une encyclopédie ; je ne m’aventurerai pas si loin, mais nous pouvons déjà aller ressentir ce mot dans notre cœur, dans nos tripes, dans notre corps, dans notre âme.

Selon les jours, il peut prendre des formes et des couleurs différentes, il peut jouer avec ces dernières de multiples manières : nous faire peur ou nous mettre en joie, nous faire ressentir des attentes, de la frustration, créer des disputes, des jeux de pouvoir et de manipulation ; il peut nous faire vivre des passions aveugles, des rêves impossibles, des violences… ou choisir la cohérence, l’harmonisation des formes et des couleurs dans le partage, la coopération, l’écoute, la création, les projets, l’amitié, l’amour, la joie, le rire, l’humour, la curiosité, la douceur, la tendresse, la délicatesse, la bonté, la bienveillance, la gratitude, les remerciements, le libre-arbitre, la dignité, l’intégrité, …

Le terme « relation » sera, ici, utilisé dans le cadre des capacités de mise en lien, de la capacité de relater pour soi, ou avec l’autre, ce qui m’importe, ce qui est important pour l’autre, pour le groupe, la collectivité.

Il partagera aussi les ressentis qui y vivent, la créativité, les hymnes, les chansons, la musique, les constructions, les pensées philosophiques et spirituelles et la multiplicité des réponses à apporter à une même situation.

Ce mot signifiera donc tous les types de mises en lien de l’humain à l’humain ou de l’humain à tout ce qui l’entoure, et la manière dont chacun avec son vécu, sa culture et ses connaissances pourra le percevoir.

Le mot « relation » rencontrera aussi ses propres questions :

  • « Quelle est ma relation à la Vie et à ses mystères, ses inconnues, ici et maintenant ? »
  • « Quelle est la relation que j’entretiens à moi-même, ici et maintenant ? »
  • « Quelles sont les relations agréables, désagréables, épanouissantes, difficiles mais enrichissantes ou démoralisantes, dévalorisantes, perverses, morbides, dans ma vie aujourd’hui ? » …
  • « Où pourrais-je y mettre, peut-être, un peu de Lumière, de Lucidité, de clairvoyance ? »
  • « Où pourrais-je commencer, peut-être, une recherche, un processus de résilience, un chemin d’éveil et de découverte d’une autre perception de la Vie, de ma Vie, pour cheminer autrement, plus en conscience ? »

Aujourd’hui, le mot « relation » se trouve de plus en plus souvent associé au mot : « perversion ».

Je n’entrerai pas ici dans de grands débats sur le sujet. Ce mot m’intéresse dans le cadre de la Lucidité, une lucidité qui peut amener des processus de résilience, de guérison, d’acceptation, de compréhension, de partages, de vie en communauté…

Le mot « pervers », « perversion », « perversité », peut faire froid dans le dos lorsque nous y sommes sensibles, mais il peut aussi faire briller des étoiles dans les yeux de certains qui n’ont pas trouvé d’autres voies au plaisir, qui n’ont pu découvrir d’autre place possible dans la Vie, qui n’ont, peut-être, pas pu entrer, encore, dans la lucidité des 3 consciences en une. L’Uni-vers, notre moi unique, au Pot’en’Ciel Créateur pour un temps donné sur la planète, lui-même en interaction avec tout ce qui est, tout ce qui vit, en interaction avec les résonances du passé, du présent et des futurs.

Ce mot peut alors se mélanger, fusionner avec le pouvoir, la jouissance du pouvoir sur l’autre, sur les autres, sur la matière.

Il peut se confondre dans l’ivresse du pouvoir et l’ivresse de « tuer », de quelque manière que ce soit, la vie, le rayonnement de l’autre. Il peut devenir Hubris faussement rayonnant, puissant, et complètement déconnecté de la Vie, du Vivant et de l’humaine nature avec ses forces et ses vulnérabilités.

Sa définition première – « Qui se plaît à faire du mal et à l’encourager » – pourrait donc faire entendre une certaine conscience, des choix pour atteindre le plaisir à faire du mal.

Cependant, les définitions et les nuances de ce terme varient énormément selon le vécu, les études des différents auteurs.

Entrer dans la Lucidité ne serait-il pas d’aller, pour aujourd’hui, dans la conscience :

« Si la lumière extérieure des projecteurs peut dévoiler les ombres, la Lumière intérieure est humble, rayonnante, puissante et peut estomper les ombres ».

Mettre en lumière, regarder, observer, apprendre, remettre en question, remettre dans une vue d’ensemble, observer les détails, peut-être pour laisser émerger la Lumière, la Lucidité, la Joie du Cœur, la Conscience ?

Ce chemin n’est peut-être pas simple aujourd’hui, dans un monde bien souvent opaque, voilé, engoncé dans le brouillard.

Certaines techniques, dites d’influence, sont même enseignées largement comme un mode de réussite et de productivité.

Tous les coups seraient permis pour se hisser jusqu’au poste « trucmuche », pour avoir un « machin chose », qui permettrait de paraître au lieu d’Être.

Ces enseignements peuvent même devenir un mode éducationnel qui dérape au quotidien dans les repas de famille ou entre amis par exemple, rejoignant ainsi les blessures, peurs, croyances de chacun.

Une contagion perverse peut alors avoir lieu consciemment ou inconsciemment, comme nous pouvons l’apercevoir dans les guerres des nations ou simplement familiales, dans la diffusion des informations dans les médias ou par les singes volants.

Et ce, au point que nous pouvons parfois ou même souvent avoir la sensation d’être dans une civilisation où la perversion devient nécessaire à l’ascension sociale et à son équilibre en déversant, en transférant ses propres angoisses sur les autres.

Comme si une systémique de l’évolution généralisait le besoin de la perversion afin de survivre dans les « obligations » de paraître et dans les besoins de survivre sous les poids des devoirs, des obligations, de l’infantilisation, de la démesure, de la matérialisation à l’extrême de la vie…

Comme si, coupés de l’essence de Vie, nous jouions à nous renvoyer « les patates chaudes » dont nous voudrions nous débarrasser, dans un jeu de balles infini, jusqu’à ce que, peut-être, une personne plus sage choisisse de poser ces pommes de terre, de les regarder, de les observer, de les désamorcer, de les rendre à la terre pour qu’elles créent un compost riche de nouveaux possibles pour demain.

« Si la lumière extérieure des projecteurs peut dévoiler les ombres, la Lumière intérieure est humble, rayonnante, puissante et peut estomper les ombres ».

Pourrions-nous dire que la lumière extérieure nous permet de voir les ombres, et que la nuit nous permet de voir les étoiles ?

Ne sommes-nous pas des poussières d’étoiles selon les biologistes ?

Comment, face aux ombres mises en lumière, pouvons-nous faire briller nos poussières d’étoiles pour déranger les ombres et illuminer le ciel ?

Comment pourrions-nous laisser émerger le rayonnement de Vie, et renaître des cendres, tel le Phoenix, si faire ce peut.

Lucidité et Conscience sont proposés comme synonyme.

Mettons-y donc un peu de lumière, ouvrons une fenêtre, peut-être, jetons un regard, certes directionnel, comme tous les regards, mais qui, peut-être, apportera dans le soin, dans la Vie, une plus grande luminosité.

Oserais-je écrire le mot conscience de la même manière que j’ai écrit le mot Uni-vers ?

Non, quand même pas, mais il y a peut-être tout de même un peu de cela quand nous l’utilisons de manière restrictive.

Si nous ne pouvons nier que la science, la médecine nous ont apporté des merveilles de connaissances, de soins, de guérisons, il est aussi évident qu’elles nous ont limités dans notre connaissance naturelle de la Vie, en nous mettant peu ou prou sous leur dépendance, dans leurs dogmes, allant parfois même nous mettre dans l’illusion que la maladie et la mort ne font pas partie intégrante de la Vie. Et lorsque la Vie, la maladie, la mort ne font plus partie de la Vie, sommes-nous encore dans la réalité ou allons-nous vers un transhumanisme scientifique ou même spirituel ?

Nous nous sommes rétrécis aux connaissances.

Peut-être sommes-nous, même, devenus un peu con-formés, plus ou moins bien ou mal logés dans des moules à tartes, où les biais de saillance ou de bienséance, où la citoyenneté voudraient nous voir sagement lovés, nous faisant croire à notre toute puissance et à notre immortalité.

Il peut être simple d’avoir conscience d’une chose en particulier comme par exemple : une chaise, une plante, une douleur, un bruit… mais si nous pouvions aussi avoir conscience d’une conscience – plus vaste – contenant toutes les petites consciences et de bien nombreux mystères qui ne nous sont pas encore dévoilés ?

Si nous nous dirigions vers la conscience qu’une parcelle de conscience fait partie d’une conscience plus étendue et pratiquement infinie réunissant toutes les petites consciences en un tout vivant qui recherche une adaptation cohérente de chaque instant ?

Si nous pouvions agrandir la conscience à tout ce qui est soutenu par tous ces mystères de Vie que nous ne connaissons pas, nous pourrions déplacer les dogmes du « bien » et du « mal » – aux notions très différentes selon les traditions et les croyances – vers la connaissance, le ressenti, l’observation de ce qui accueille, éveille, nourrit, épanouit la Vie dans la Vie et en chacun de nous.  

Une conscience qui engloberait ce que nous connaissons et ne connaissons pas :

  • de la vie dans son passé, son présent et ses futurs possibles ;
  • de la vie qui s’épanouit dans tous les domaines du Vivant, en contraste à son opposé, « contre nature », qui réduit, limite, contrôle, oriente la pensée et donc la vie, tue la vie et ses possibles ;
  • de notre capacité de libre arbitre dans le choix de nos pensées, de nos paroles, de nos actions, de nos engagements et nos désengagements, de nos loyautés, de nos apprentissages, de la fraternité…